Même dans les affaires, les contes de fées existent !

30 juillet 2015

Les Caddie des supermarchés continueront à être fabriqués en France.
Le sauvetage de l’usine est un véritable feuilleton avec, dans le premier rôle, un ancien commercial.

L’histoire de Caddie se répète. L’emblématique fabricant alsacien de chariots de supermarché a frôlé, à deux reprises, la catastrophe. Et, à chaque fois, un homme, toujours le même, a retroussé ses manches pour la sortir de l’ornière. Son nom ? Stéphane Dedieu. Un ancien commercial, qui pour ne pas laisser s’écrouler l’entreprise vieillissante en est devenu… deux fois le patron.

C’est en 2009 que Stéphane Dedieu est appelé pour la première fois à la rescousse. Il est parti depuis quatre ans mener sa propre aventure industrielle après treize ans chez Caddie. Mais il ne résiste pas à l’appel au secours d’Alice Deppen-Joseph, la fille du fondateur de Caddie, qui, à quatre-vingts ans, ne parvient plus à maîtriser le destin du groupe. «  Mademoiselle m’avait sous sa coupe », reconnaît-il en souriant.

La situation dont hérite Stéphane Dedieu n’est pas évidente. «  Une double peine  », dit-il. Aussi attachante soit-elle, « Mademoiselle », actionnaire sans héritier, refuse de vendre, ce qui a provoqué la rupture avec l’ancien DG. La situation financière est calamiteuse. Caddie a pourtant connu des années fastes, avec un trésor de guerre dépassant l’équivalent de 45 millions d’euros lorsque le fondateur du groupe, Raymond Joseph, est mort en 1984. « Longtemps, l’entreprise gagnait plus d’argent avec ses placements qu’en travaillant », se souvient Stéphane Dedieu. Mais, depuis l’accession de « Mademoiselle » à la présidence, le groupe s’est figé : peu d’innovations, pas d’investissement majeur, pas de croissance externe… A Schiltigheim, l’ancien siège, comme à l’usine de Drusenheim, tout semble aller pour le mieux. Pas question de robotiser ni de toucher aux 500 salariés. Revers de la médaille : à force de puiser discrètement dans les réserves pour équilibrer les comptes et donner l’illusion de la prospérité, la sortie de route devient inévitable. A son retour, Stéphane Dedieu tente l’impossible : 219 départs négociés, fermeture de l’usine du siège… Insuffisant : les caisses sont vides, les banquiers aux abonnés absents et l’ultime tentative de cession finit en embrouille. Plus moyen d’échapper au dépôt de bilan.

L’empire Altia s’écroule

Le groupe Altia, fraîchement constitué avec 33 usines en Europe, se porte candidat. 125 emplois sont supprimés. «  Personne n’avait détecté le mauvais visage d’Altia, c’était un industriel et la présence à son capital du FSI, aujourd’hui bpifrance, était un gage de sérieux », témoigne Stéphane Dedieu. Altia lui a réservé le poste de directeur commercial, mais il en démissionne rapidement. Les choses dégénèrent. Des 15 millions d’investissement promis, nul n’en voit la trace. «  Dès 2013, les chèques revenaient impayés  », raconte-t-il.

En 2014 , la catastrophe se produit. Comme un château de cartes, l’éphémère empire Altia s’écroule. Et avec lui Caddie. Pendant six mois, l’usine est à l’abandon. Il n’y a quasiment plus de production, les fournisseurs ne livrent que s’ils sont payés en liquide. Pour faire le plein des camions, les ouvriers doivent aller en Allemagne. «  Laisser tomber cette entreprise eut été un crève-coeur, un épouvantable gâchis », lâche Stéphane Dedieu. Et il n’est pas le seul à éprouver un attachement viscéral à Caddie. Les salariés le partagent et se mobilisent, à l’été 2014, autour du projet de reprise de Stéphane Dedieu, malgré les 269 licenciements qu’il entraîne. Elus, Etat, anciens clients et fournisseurs font alors bloc. Des entreprises comme Bartholdi et Shopbox entrent au capital aux côtés de Stéphane Dedieu. Avec bpifrance, 6 millions d’euros sont mobilisés. Seul contretemps : la propriété de la marque a été isolée dans une filiale luxembourgeoise. Le futur PDG fait alors un pari. «  J’ai pris un énorme risque en rachetant Caddie sans la marque, même si le tribunal de commerce me la promettait », reconnaît-il. Il réussira à la décrocher… en la payant vingt fois plus cher que prévu. Aujourd’hui, la société a repris son nom d’antan, les Ateliers Réunis. Les comptes sont revenus au vert, le chiffre d’affaires atteindra cette année 21 millions d’euros. De nouveaux contrats sont passés avec Carrefour, Système U, Casino… Et une cinquantaine de salariés licenciés ont même été réembauchés.

Christian Lienhardt, Les Echos

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/journal20150721/lec2_pme_et_regions/021146159777-caddie-ou-le-reveil-de-la-belle-endormie-1138538.php?1qHtpfEjJAv2Vwmz.99

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